Né en 1972 à Châteauroux, David Legrand développe depuis les années 1990 une pratique collective, expérimentale et transdisciplinaire, entre Biarritz et Bourges. Sa démarche associe vidéo, réalité virtuelle, performance, écriture et pédagogie, dans ce qu’il nomme transpédagogie : une méthode de création partagée où les œuvres deviennent des lieux d’apprentissage autant que de fabrication. Co-fondateur de La Galerie du Cartable en 1999, collectif vidéo nomade, il privilégie la mobilité piétonne, les outils autonomes et les formes de diffusion situées, souvent en dehors des cadres institutionnels.

Il est également à l’origine de Hall Noir, une structure coopérative créée au sein de Bandits-Mages puis d’Antre Peaux (2013–2021), aujourd’hui relancée sous forme itinérante en Nouvelle-Aquitaine. Ce dispositif associe artistes, étudiant·es et chercheur·ses dans des contextes de recherche, de tournage et d’expérimentation collective. Il s’inscrit dans ce que Legrand appelle le système ARTISTE : une structure d’organisation autonome pour produire, transmettre et exposer l’art en dehors des logiques marchandes ou compétitives.

Ce système soutient une dynamique de coopération à travers la création de lieux vidéo éphémères, de plateaux autoconstruits, d’installations en réalité mixte et de dispositifs collectifs où s’inventent des œuvres transmutées — c’est-à-dire des formes instables, en transformation, mêlant espaces physiques et virtuels. Dans ce cadre, Legrand travaille régulièrement avec des étudiant·es, en intégrant leur présence à la construction des œuvres, et en inventant des situations pédagogiques intégrées à la création.

Bègue de naissance, il transforme le trouble du langage en geste artistique fondateur. Il développe ce qu’il nomme le langage de l’art : un langage fragmenté, oblique, transmis par les œuvres elles-mêmes. Dans ses vidéos, performances et environnements numériques, il confie la parole à des poupées, des avatars, des figures fictives ou des voix décalées. Il imite parfois la voix de Jean-Luc Godard, non par mimétisme, mais pour faire apparaître une pensée à travers une voix empruntée.

Depuis plusieurs années, il mène une recherche sur la transmutation des images à travers les technologies d’intelligence artificielle. Son projet en cours à Trieste porte sur la régénération numérique de la fresque disparue de Pontormo à San Lorenzo, en reconstituant les corps à partir de modèles scannés. Il développe également des fictions bio-futuristes, comme Berry Beuys, et conçoit des environnements immersifs au sein d’un métavers des arts collaboratifs. Comme il l’affirme aujourd’hui : nous avons changé de plasticité — une révolution physique des arts plastiques est à l’œuvre.