Hall Noir 2014

Espace prototype et visionnaire pour les étudiant·e·s en art

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La création de Hall Noir au cœur de l’association Bandits-Mages est, pour elle, l’occasion rêvée de répondre au besoin d’un espace de recherche plastique et filmique — destiné aux étudiant·e·s en art — qui ne soit pas directement lié à l’académisme ni aux impératifs du marché.

Ce sera un instrument d’exploration active des dimensions expérimentales, participatives et collectives de l’art, leur offrant les moyens de se consacrer pleinement à une expérience de programmation artistique, avec la même intensité qu’à une création autonome et critique.

À une époque où, selon nous, il est plus que jamais nécessaire de revendiquer un « ailleurs », pour inventer ses propres outils et faire émerger des utopies culturelles.

C’est à ce titre que, cette année, trois étudiant·e·s en art — Marie Gaudou, Violaine Higelin et Ophélie Soulier — ont conçu et réalisé, en pionnières, deux programmes d’expositions expérimentales installés dans le château d’eau de la ville de Bourges.

Tantôt Freakshow, tantôt Trans, iels proposent de le transformer en réservoir d’une multitude de récits en formation.

En voici les deux premiers :

Programme TRANS-

TRANS – est un programme élaboré par Violaine Higelin sous la forme initiale d’une collecte de productions vidéo de la jeune création contemporaine (performance filmée, documentaire, installation vidéo, animation, …) dans une perspective Queer. La variété des modes de diffusion est privilégiée pour envisager la construction d’un environnement multimédia. Expérimentations, diffusions, revendications : parlons identités, parlons sexes, parlons désirs, parlons genres, parlons limites, parlons normes, parlons dépassement, dans une volonté de TRANS- formation / mutation / gression.

Vues de l’exposition collective en trans-formation / trans-mutation / trans-gression, programmée par Violaine Higelin.

Récit 1

Gustave Paquet, 60 ans, théoricien de l’art, a été déclaré disparu le 8 novembre 2014 à Bourges.

La personne est retrouvée le 17 novembre vers 4h30, errante, non loin d’un vieux château d’eau asséché depuis 1940.

Visiblement en état de choc — au vu de ses propos incohérents — elle affirme avoir subi, une semaine durant, les sévices d’un groupuscule de jeunes adeptes de l’art monstre dénommé HALL NOIR.

« J’ai vu un FREAKSHOW ! Des jeunes, les yeux irradiés par le câble, gavé·e·s d’images streamées, sucé·e·s jusqu’à l’os par la fibre optique ! Une communauté d’icônophages, d’exhibs et de voyeur·euse·s, dévoué·e·s au culte d’un anthropomorphisme parasité…

Des cloportes avides de visions destructrices, suintant la boisson hyper-énergisante et le speed de pauvres, semblaient leur pomper le crâne tant iels se tuaient à expérimenter.

Dans un laboratoire aménagé en atelier expérimental, avaient lieu des tests, des mises à l’épreuve primaires, des assemblages de formes mutantes. Dans cette Interzone Divine, le bizarre se manipulait et s’archivait avec une rigueur quasi scientifique, tant il était contagieux.

Au centre d’une orgie de câbles et de machines hurlantes, un service d’obstétrique biomécanique pouponnait leur effrayante progéniture TRANS.

Dans cette couveuse de peepshows embryonnaires, et sans aucune lubrification, mes yeux subissaient des scènes contre-nature. Des films à caractère propagandiste réécrivaient une mythologie contemporaine. Des héro·ïne·s hybrides, le poing levé, étaient prêt·e·s à fister les codes et prophétiser de nouveaux genres ! »

FREAKSHOW

Zoo artistique à visiter

HALL NOIR propose un workshop visant à constituer un espace pour l’art participatif nommé « Freakshow ». « Freakshow » traite de visions plurielles d’un anthropomorphisme disjoncté, en partant du constat que le corps est un hôte de parasites qui, comme notre langage, trouve sa construction dans un héritage. Dans cette approche, proche du laboratoire, les groupes, qui travailleront en interaction, réaliseront des formes et assemblages plastiques, des recherches performatives et audiovisuelles. L’espace du workshop sera ici l’espace de visibilité d’un travail en mutation et de ce qui s’y opère dans la création collective. « Freakshow » déconstruit les statuts du visiteur et de l’artiste, dans ce qu’ils tiennent respectivement du voyeur incônophage et de la bête de foire.

Récit 2

Le château d’eau était plongé dans une lumière crépusculaire, presque irréelle, on pouvait entendre le sable crisser sous les bourrasques d’un vent fort et impétueux.

Plus de marais, d’humide et de vert… un désert à perte de vue qui avait fini par ronger toute la ville, ses âmes, et ses bâtiments.

Demeurait encore ce monument à l’eau depuis longtemps tarie, présence ironique qui abritait en son sein ceux qui avaient résisté à la morsure du sable, de l’érosion… qui avaient su la fin venir et l’avaient court-circuitée. Il faisait chaud entre les murs ; le sol jonché de câbles et de tuyaux de toutes sortes donnait la sensation de piétiner une forêt de lianes crépitantes.

Au cœur : une forme de vie biomécanique, dévouée au polymorphe ; parce que de forme de Dieu, il ne restait plus que ces corps interagis, liés à l’encablure vitale et à l’énergie atomique. D’aucuns auraient évoqué le monstre ; mais d’aucuns, il n’y en avait plus.

Ceux qui restaient, ne gardaient d’humain que les images résiduelles qui parcouraient les fils de leur être muté et hybride. Les images flottent dans l’air par éclairs lumineux, surchargent des corps dans l’orgasme, inondent la courbe des murs pour de précieuses secondes et s’évaporent comme un mirage.

Des sons qui se mêlent, qui se parasitent, qui s’accouplent…

Un brouhaha enveloppant qui attire tout autant qu’il répulse…

Un bruit qui devient cette voix mutante qui réclame sa reconnaissance.

Action «Body Noise» à Hall Noir

Le collectif de performeur·euse·s barcelonais Quimera Rosa est venu à Hall Noir pour préparer son action « Body Noise ». Cette performance propose une expérimentation corporelle autour de la construction d’un amplificateur de fréquences non audibles et de la génération de sons par le contact physique.
Iels construisent également un micro piézoélectrique (microphone de contact) pour enrichir la palette sonore.
Intéressé·e·s par la (dé)construction des mécanismes identitaires, iels aiment jouer à muter et hybrider les corps. Ensemble, iels créent des prothèses afin d’incorporer les amplis à leurs corps.

Quimera Rosa est un laboratoire transdisciplinaire fondé à Barcelone en 2008. S’inspirant des théories cyborg de Donna Haraway, iels explorent les croisements entre art, science, politique queer et écologie post-identitaire.

Crédits

Coordination : David Legrand (artiste collectif)
Équipe de programmation 2014 : Marie Gaudou (ENSA Bourges) / Ophélie Soulier (ENSA Bourges) / Violaine Higelin (ESAL Metz).
Production : Bandits-Mages