Le théâtre de la parole plastique

Le théâtre de figurines

« Ainsi au départ, étudiant, j’ai construit le théâtre de la parole plastique, qui présentait des personnages inertes, figurines modelées sur des poupées aux proportions de jeunes enfants, transgressant les figures de l’élève et du professeur à l’école. Par exemple, quatre figurines hybrides – l’écolier de guerre, l’enfant-cochon, l’enfant-mouton, le phacochère ingénieur – étaient mises en scène, tenues à égale distance les unes des autres, bloquées au seuil de tous rapports. Pas assez lâches pour faire un pas en arrière et pas assez courageux pour avancer d’un pas. Cette scène du théâtre plastique proposait une anticipation de la déshumanisation des rapports entre enseignés et enseignants. Dans des décors peints, scotchés, écrits, tartinés d’enduits à la confiture ou marouflés de papier de plomb, composés de récits et de titres, d’écrans, de la couleur verte des tableaux d’école, le sol recouvert de vieux lino. Ces scènes étaient aussi conçues dans leur fabrication comme une libération du petit matériel scolaire et créait un environnement pédagogique renversé.

C’est là, à l’intérieur de ces espaces, de cet environnement que j’intervenais en déclarant :

_Celui qui ne sait plus parler, qu’il chante !

_Celui qui ne sait plus chanter, qu’il geint !

Maintenant, si je parle en metteur en scène, je dirais que dans un tel monde (c’est-à-dire un monde ou il n’y a plus de contact, cette société sans lien que j’ai évoqué tout à l’heure, ou la communication est devenue l’illusion de la communication et la culture l’illusion de la pensée à l’intérieur de la connaissance) j’interprète le dernier être humain à chercher le contact. Que la violence de la parole combinée à la parole bègue (celle que j’ai décrite tout à l’heure comme une syncope du langage) tente de faire parler les oeuvres.

Autrement dit, cette parole une fois combinée et prononcée devant les oeuvres, par un véritable acte de transmission, que j’appelle « de la parole manquante à la parole courante », en jouant la posture de l’enseignant, servait à faire entendre le balbutiement des oeuvres au début de leur reconquête du langage. »

Extrait de la conférence de David Legrand donnée le 14 février 2006 à l’ERBAN (école des beaux-arts de Nantes) invité par Xavier Vert

Environnement pour monstres et enfants-cochons. Exposition de Valérie Mréjen & Marc Partouche, David Legrand. Du 7 juillet au 3 septembre 1995, Galerie du Collège Marcel Duchamp. Document filmé lors de l’exposition en une bobine Super 8 par Patrice Thomas

la Fâble dépliée

Chansons post-barjes

Chansons Post-Barjes est née d’une série de performances nocturnes dans des squats artistiques des années 1990, où David Legrand, avec des instruments désaccordés, mêlait poésie brute et cris drolatiques, à mi-chemin entre punk et théâtre de l’absurde.

Ces chansons, improvisées devant des publics aussi hétéroclites qu’imprévisibles, capturaient l’essence d’une époque où le corps et la voix devenaient les instruments d’un art éphémère et transgressif.

Véritable laboratoire vocal et gestuel, ces performances oscillaient entre burlesque et tragédie, traçant un pont fragile entre le quotidien banal et une quête poétique de l’extrême, tout en revendiquant une esthétique résolument post-Barjes.

Une esthétique post-Barjes en chanson se définit par l’utilisation de structures sonores dissonantes et de textes parodiques, mêlant trivialité et profondeur poétique. Elle redéfinit les formes musicales et narratives classiques, s’inscrivant dans une dynamique critique où la parodie devient un outil de réflexion sur les conventions esthétiques et culturelles.